Donc, par où commencer ? Eh bien par le début : le verbe et le nom. Et la méthode montessori est vraiment formidable pour débroussailler ces notions parfaitement abstraites (heu... à brûle-pourpoint, si je vous demande là maintenant tout de suite de me dire ce qu'est un verbe, vous me répondez quoi ? Un mot qui exprime une action ou un état. Ok, alors c'est quoi une action ? Et un état ? Ah !).
Tout d'abord, on a besoin d'une boule rouge, d'une pyramide noire, et d'un petit plateau.
J'ai repris le matériel que j'avais fabriqué pour Mathurin : une balle de ping pong peinte en rouge en m'en mettant plein les doigts et dont la peinture s'effrite maintenant, et une pyramide en papier origami noir, en suivant une vidéo sur Youtube (délicatement fermée avec du scotch... du travail d'artiste).
On demande à l'enfant de poser la boule et la pyramide sur le plateau lui-même posé sur la table, de prendre le plateau en mains, puis de marcher.
Qu'observe-t-il ?
Réponse d'Eugénie :
"La boule bouge tout le temps. La pyramide reste".
Alors on discute un peu sur la notion de mouvement et celle de stabilité.
Ensuite je lui demande ce qu'évoque la couleur rouge, pour elle. Elle me dit que ça lui rappelle le sang, la force. Doucement je la conduis vers le mot "action". Quant à la couleur noire, après un débat sur les vêtements qu'on porte lors d'un enterrement (sous entendu la grammaire c'est mortellement ch... ?), on en arrive à dire que c'est une couleur qui ne change jamais. Ajoutez n'importe quelle couleur à du noir, le noir restera noir.
Nous discutons ensuite sur ces notions, le verbe et le nom. Elle en arrive assez vite à dire qu'un nom, c'est "quelque chose qu'on peut apporter", "on peut dire : va me chercher xxx". On ne peut pas dire cela pour un verbe.
"Apporte-moi la chaise", chaise est un nom. Mais "Apporte-moi danser", ça ne marche pas, alors danser doit être un verbe. D'ailleurs, chaise reste chaise, qu'il y en ait une ou plusieurs (abstraction faite de l'orthographe d'accord), que ce soit hier, aujourd'hui, ou demain. Alors que danser change tout le temps, selon qu'on est seul ou plusieurs à danser (je danse, nous dansons), et encore si on précise hier, aujourd'hui ou demain (je dansais, je danse, je danserai) ! Une telle instabilité... comme la boule rouge, ce doit être un verbe !
Ensuite, j'ai donné des vignettes de verbes et de noms à Eugénie. Elle avait pour mission de les trier, et de ranger chacune devant la boule ou la pyramide.
J'ai choisi pour la première approche de ne mettre que des infinitifs. Mais dès que le tri a été probant, je lui ai montré des verbes conjugués : où les placer ? Eh oui, avec la boule rouge, parce que le verbe non seulement indique une action (ça bouge), mais aussi il est lui-même très changeant : sa forme change selon qu'on dit "maintenant" ou "demain", et sa forme change aussi selon la personne qui fait l'action ! Pas stable, le verbe...
Pour corser un peu la chose, j'ai introduit ensuite les verbes d'état (sans mentionner la dénomination, c'est déjà assez compliqué) : être, sembler... Où placer les vignettes ? Ce ne sont pas des actions, et pourtant ces mots sont tellement changeants, jamais les mêmes... "Être" et "suis", on sent bien qu'il s'agit de la même chose, mais la forme est tellement différente !
Bingo, ils vont avec la boule rouge, ce sont des verbes.
Une fois la différence bien faite entre la notion de verbe et celle de nom, j'ai demandé à Eugénie de dessiner les symboles grammaticaux (le rond rouge et le triangle noir) au-dessus des noms et des verbes d'un texte. J'ai juste copié le début d'un vieux "Mes premiers J'aime Lire" de 2011 pour cet exercice.
Voilà. Quand la notion de verbe sera bien acquise, on passera aux conjugaisons. Mais inutile de demander à l'enfant de conjuguer les verbes s'il ne sait pas ce que sont les verbes...
Caroline
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